lundi 26 avril 2021

Le peintre et la philosophe

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    Écoutes, écoutes cette musique...tu ne la trouves pas merveilleuse, divine....Mais où es-tu ? Où te caches-tu? Viens donc , je te parles !

  • Aimé, si tu veux que je jouisse de cette musique il me faut du silence

  • Voilà comment Madame me parle...Elle jouit en écoutant cette merveille ...Hum, je préfèrerais que ce soit de ma compagnie

  • Et moi , je ne peux jouir en silence ? Cesses donc de parler et profites de cet instant de douceur ; la vie est trop précieuse, savoures chaque instant qui nous est imparti

  • Ça y est Madame fait sa philosophe ! Qu'est-ce que tu peux être ennuyeuse quand tu te mets à réfléchir !

  • Qu'à cela ne tienne Aimé, je rentre chez moi

  • Non non restes, j'ai besoin de toi

  • Ah oui comme d'habitude juste « besoin » de moi

  • Oh non ma douce, ne te fâches pas, tu sais parfaitement que tu es ma respiration ; je souhaiterais que tu m'accompagnes au jardin, je veux m'y installer pour peindre

    La journée est si belle, tout y est la lumière du soleil, les couleurs, les fleurs à peine écloses, les oiseaux qui composent aussi bien que Smetana.

  • Quel cabotin, il faut toujours que tu en rajoutes, comparer Smetana et les oiseaux !

    Smetana a travaillé dur pour composer et créer ses merveilles, les oiseaux ,eux, chantent naturellement, ils sont nés ainsi, c'est leur nature.

  • J'essaie d'être agréable et voilà, Madame critique....Bon mais tu veux bien me tenir compagnie ?

  • Ai-je le choix ?

  • Oui nous avons tous le choix sauf quand on aime et tu m'aimes, n'est-ce pas  tu m'aimes ?

  • Pourquoi me poser la question? Á ton avis pourquoi je suis toujours là ?

  • Quel romantisme ! Tu ne pourrais pas laisser aller tes sentiments...Regardes toi tu veux toujours tout contrôler...Mais l'amour ne se maitrise pas, il nous échappe, il se pose là où on ne l'attend pas, il papillonne, il butine, il apprécie, il jouit.

  • Aimé tu sais que tu es en train d'emprunter un chemin glissant....

  • Eh bien ma chère toi si prude tu parles de chemin glissant j'aime ça

  • Là tu deviens grossier....mais qu'est-ce que je fais encore là avec cet amuseur ?

  • Ma douce je cesse de te taquiner mais s'il te plait je souhaiterais que tu poses pour moi ; viens voir j'ai fait une installation dans le jardin, tu veux bien me faire ce plaisir ? Et je me tais, je ne mens pas...quand je peins tu le sais je ne parle plus.

  • C'est vrai ; bien allons voir cette installation....Alors c'est où ?

  • J'aimerais que tu t'assieds sur la balançoire

  • Moi sur la balançoire ? J'ai passé l'âge

  • Oh Madame et ses principes, tu m'ennuies et je reste poli ! Pour une fois dans ta vie, cesses de réfléchir et poses ton auguste sur cette balançoire...Je vais être sympa, si tu veux, prends un livre.

  • Mais ça bouge , je ne pourrai pas lire

  • Et bien oui ça bouge , comme la vie ...Rien n'est figé tu devrais le savoir

  • Oh Monsieur se met à philosopher

  • Ce privilège ne t'est pas réservée, il est ouvert à tous, jeune , vieux, riche, pauvre, instruit ou non...C'est peut-être le seul que tout un chacun peut s'approprier s'il le souhaite et cela sans besoin d'autorisation de qui que ce soit tu te rends compte c'est formidable, magique...

  • Je t'en prie, je t'en prie n'en fais pas trop....philosopher n'est pas permis à tout le monde

  • Que veux-tu dire que tout le monde n'en a pas la capacité ? Pour une dame de lettre tu me déçois...

    Bon cessons de nous chamailler ,il faut vraiment que j'avance sur ce travail

  • Travail, travail....

  • Oui travail, la peinture n'est pas que du barbouillage, il faut y mettre un peu de son âme

  • Attention tu risques de la perdre

  • Pas de souci je ne la vendrai pas au diable

  • Oh parfois le diable prend un visage inattendu

  • Ah....ton visage par exemple ?

  • Si j'étais le diable tu n'existerais plus ! Je t'aurais déjà fait brûler en enfer

  • Oh,oh, maintenant que tu as déversé toute ta rancoeur, ne bouges plus, je dois vraiment peindre

  • Bien je me tais et je reste tranquille

  • Merci ma douce

Luce prend la pose sur la balançoire sans livre,elle préfère laisser aller son esprit...Elle aime observer son Aimé et même s'ils se provoquent à toute occasion, elle sait qu'il met tout son cœur et toute son âme dans son art; elle aime le regarder, scruter ses mimiques, elle connait chaque expression, chaque ride , chaque froncement de sourcil, elle sait quand il « bloque », qu'il ne trouve pas la petite astuce pour le rendu souhaité ; elle admire sa ténacité, cette force créative qu'il développe pour atteindre sa perfection.

Elle ferme les yeux pour mieux percevoir le bruit du pinceau glissant sur la toile, celui du mélange des couleurs décrivant un rythme plus ou moins soutenu, sentir ses soupirs, écouter ses petits mots de satisfaction , de calcul , de critique toujours dans la douceur ; Aimé dialogue avec sa toile comme avec un enfant, sans jamais élevé la voix.

Poser pour lui est un moment d'apaisement,même si elle ne lui avouera jamais. Le sait-il?le sent-il ?

Ces deux là s'aiment ; chacun garde sa part de mystère pour préserver cette découverte perpétuelle de nouvelle facette, une manière de prendre soin l'un de l'autre et de l'amour qu'il se porte l'un à l'autre, en gardant chacun un temps pour soi.

  • Luce, Luce, Luce....

Aimé parcourt toute la maison et le jardin en déclinant son appel sur tous les tons, en vain!

Personne, pas de Luce ….Mais où peut-elle bien être?

Aimé ne supporte pas son absence; l'idée qu'elle soit partie le panique ...et pourtant, elle va revenir il le sait! Mais où peut-elle bien être?

Le moment d'affolement passé, il retrouve ses esprits et commence à réfléchir méthodiquement: quel jour es-t-on?...mardi ...ah mardi! Quelle heure est-il? Dix heure trente...il scrute le semainier affiché dans la cuisine par celle qui sait tout de ses désarrois.

  • Ah ça y'est , elle est à son atelier d'écriture «Autour des mots»

Aimé est rassuré, apaisé, tranquillisé jusqu'à la prochaine fois, prochaine fois qui peut arriver en fin de matinée si Luce tarde à rentrer. Serait-il possessif, jaloux, égoïste, égocentrique?

A vrai dire peut-être un peu tout cela mais lui dira que non, il est juste dépendant de Luce. Il se comporte comme un enfant, un petit garçon gâté, capricieux malgré son âge avancé, qui est toujours en quête de l'image maternelle, maternante. Est-e un jeu,une tromperie ou une véritable angoisse?

Quel qu'en soit le ou les motifs, Aimé est souvent rattrapé par ses peurs et met de nombreux stratagèmes pour les contourner à tel point que peu de ses amis connaissent ce côté de sa personnalité, lui qui en public, passe son temps à fanfaronner, à plaisanter, à jouer à «je n'ai peur de rien ,ni de personne», allant jusqu'à la provocation ,jusqu'à l'impertinence.

Tout son quotidien repose sur Luce sa bien-aimée, sa muse, sa femme, son amante, sa confidente, il lui est impossible de vivre sans elle.

Se réveiller et se retrouver seul devant son petit déjeuner , qu'il doit se préparer puisqu'elle est hors des murs, alors s'en est trop...cela lui demande beaucoup d'efforts et parfois il préfère avaler un café à la sauvette plutôt que de se préparer quoique ce soit qui lui demande d'ouvrir tous les placards pour trouver les bons ustensiles, les bons aliments....bref pour Aimé c'est trop de contraintes!!!

Lui consacre sa vie à son art, uniquement à sa création, le reste lui importe peu...sauf quand Luce s'absente pour une journée ou plus , ce qui est rare, et là Aimé n'a pas le choix , il doit se préoccuper du quotidien même s' il tempête et se met en rage...Aimé ne fait que s'il est acculé...

Ses journées ont toutes le même tempo: lever vers neuf heures ou plus et coucher entre une heure et trois heures du matin et dans ses grands moments il peut se coucher à l'aube.

Luce n'intervient plus depuis longtemps, elle vaque à ses activités et le laisse se gérer .Elle aime écrire parfois le soir , plus souvent le matin, elle aime voir poindre la lumière du jour.

Tout deux se sont accommodés de ce décalage horaire , ce qui compte c'est d'être présent l'un à l'autre.

La panique maitrisée et son café avalé, Aimé rejoint son atelier, son antre où plus rien n'existe juste lui, ses couleurs, sa toile et son imaginaire.

Le tableau de la balançoire est terminé, enfin presque, il faut que la peinture sèche, il passera un vernis pour la touche finale sauf s'il décide de la remanier. Parfois ses «croûtes»(c'est son expression) restent en suspens pendant des semaines, voir des mois: il n'est pas satisfait du résultat alors il attend jusqu'à ce qu'il détecte l'imperfection et qu'il entrevoit la solution, le dénouement; il demande régulièrement conseil à Luce, elle est la seule habilitée à donner son avis.

Aimé ébauche une nouvelle toile mais pour l'instant personne n'est autorisé à la voir; chaque fois c'est le même rituel, «le grand secret» comme plaisante Luce..

La toile est posée sur le chevalet et n'est découverte que le temps où Aimé réfléchit, esquisse, les tubes de peintures sont étalés sur sa table, il mélange les couleurs, fait des essais, les reprend, les modifie maintes et maintes fois avant de trouver le bon ton, la bonne nuance.

Il va jusqu'à crier, tempêter s'il ne trouve pas la couleur souhaitée, imaginée; dans ce cas inutile de tenter de converser avec lui, c'est porte close et dans une telle situation Aimé peut se montrer désagréable, très désagréable voir agressif.

Rien ne peut le détourner de ses pensées, les autres n'existent plus;ça se passe entre lui et sa toile vierge pour l'instant; c'est comme s'il projetait une image que lui seul peut voir, son fantasme.

Le temps s'écoule sans que rien ne le trouble, une seule idée en tête trouver les bonnes couleurs.

Aimé enroule ses idées devant son chevalet, tantôt il mélange les couleurs sur un coin de la table, tantôt il fait des essais sur un angle du tableau. Ces tentatives peuvent durer des heures voir des jours jusqu'à ce que tout le scénario de sa future œuvre soit embobiné dans sa mémoire.

Ainsi jour après jour il pourra le dérouler ne laissant rien au hasard, chaque détail, chaque point aura été pensé, réfléchi, emboité avec les autres. La construction de sa création est telle celle d'un puzzle; aucune pièce ne doit manquer, nulle n'est laissée au hasard quitte à la retoucher.

Durant cette préparation, Aimé n'a plus la notion ni du temps, ni de son environnement; Luce est la seule qui rompt régulièrement cet enfermement pour qu'Aimé retrouve «la vraie vie» ne serait-ce que pour se «substanter», ce sont ses expressions, bien à elle, qu'elle emploie pour titiller les oreilles de son ami, un peu de provocation pour une possible réaction.

Parfois Aimé pousse jusqu'à l'extrême, frôle la rupture; alors Luce veille, le récupère avant qu'il ne décolle trop haut, avant qu'il ne se perde; cela s'est déjà produit par le passé...

  • Aimé, Aimé...Aimé je suis rentrée

Luce appelle, change de ton mais aucune réponse...elle le sait mais elle essaie, un jour peut-être il répondra...

Elle frappe à la porte de son atelier... Toujours rien alors elle rentre et l'observe; elle a l'habitude , elle doit attendre quelques minutes qu'il sorte de son monde et c'est sans importance, elle est détendue, son atelier d'écriture lui permet toujours de s'éloigner du quotidien et de trouver l'apaisement. Ce temps d'échange, de réflexion où des personnes de tout milieu social, de toute origine, de tout âge viennent ensemble se raconter autour d'un mot, d'une expression est un vrai bain de jouvence. «Planète» était le mot du jour.

Compte tenu de l'actualité sur le climat et tout ce qui concerne la vie en général, l'inspiration n'a pas fait défaut à tel point que le groupe a décidé de garder le même thème pour la prochaine rencontre  chacun ayant tant à dire.

Chaque séance balaye le temps, les soucis du quotidien, les douleurs, les maladies, la tristesse...tout est englouti par la passion, la richesse des discussions, par la convivialité du moment de la fin qui se clôt autour du verre de l'amitié.

Aimé lève les yeux, la regarde et dit:

  • Tu es là?

Elle lui sourit et l'invite à faire une pose pour déjeuner.

Luce est d'humeur joyeuse , elle se sent prête à accepter toutes les fantaisies de son cher et tendre artiste.

Luce est sereine et quelque soit l'attitude d'Aimé rien ne la contrarie, elle le regarde et lui sourit quoiqu'il lui dise alors il abaisse les armes et tous deux partagent leur déjeuner en silence juste dans la présence de l'un à l'autre.

Luce n'élève la voix que très rarement et surtout pas à son retour d'atelier, elle veut préserver cet état de douceur béate.

Aimé l'observe et réfléchit à un prochain tableau; acrylique, aquarelle, pastel, peu importe la technique, Luce sera présente elle est sa principale source d'inspiration et cela fait des années qu'elle le fascine et cela fait des années qu'elle se prête au jeu. Ils se taquinent, mais ne peuvent vivre l'un sans l'autre.

Aujourd'hui Luce n'a pas de temps à consacrer à Aimé et même s'il ronchonne , elle ne cédera pas, elle a d'autres idées en tête et notamment une en particulier: elle est à la recherche d'une galerie, d'un lieu en vue d'organiser une exposition des tableaux de son ami ; il ne connait rien de ce projet et tant qu'elle n'aura pas trouver l'endroit avec le contrat de réservation en main propre elle n'en dira mot.

Elle prend contact avec des connaissances de longue date, des personnes qui apprécient le travail d'Aimé.

Pas facile de garder le silence et de préserver la surprise quand les appels téléphoniques se font de plus en plus pressants.

Aimé , fermé dans son atelier et absorbé par son travail de recherche ne s'inquiète de rien et semble sourd à tout cette agitation phonique.


Suite à une entrevue avec la conseillère municipale chargée de la culture d'une localité voisine, Luce va pouvoir louer une salle d'exposition qu'elle affectionne particulièrement. Outre la rénovation et l'aménagement récent, cette salle a une histoire particulière, une construction unique: c'est une chapelle construite à l'initiative des sœurs de la Providence lors de l'agrandissement du couvent où elles éduquaient de jeunes orphelines.La loi du sept juillet 1904 supprima les congrégations enseignantes et sonna le glas de l'enseignement des sœurs;les biens furent vendus et rachetés par la ville; la chapelle a échappé à sa destinée et n'a même jamais eu de cérémonie religieuse célébrée en son sein; seul le côté éducatif a été préservé puisque ce lieu est réservé aux fêtes culturelles multiples et aux expositions diverses.

Luce aime que ce bâtiment «religieux» soit devenu le lieu de culte de l'art, de la création, de la fête de toute les cultures.

Elle souhaite mettre en place cet exposition pour l'anniversaire d'Aimé ce qui lui laisse peu de temps; elle va devoir l'informer si elle veut avoir un accès libre à ses tableaux et la sélection ne pourra se faire qu'avec son bien-aimé.La salle louée , il ne pourra s'opposer; un peu radical comme procédé mais pour éviter un refus elle se doit de le mettre devant le fait accompli.

Pour les invitations au vernissage, elle en fait son affaire et là pas question de lui fournir la liste ou de lui demander un quelconque avis,de toute manière il n'aime pas tout ce côté matériel, il préfère rester dans sa bulle, la gestion commerciale ou simplement la mise en avant de ses réalisations ne l'intéresse pas, il préfère se délester de cette tâche sur Luce; tout doit se faire dans la bienséance et privilégier les amis après les formalités d'usage, ça, Luce sait faire, elle a appris au fil du temps, l'expérience...

Et puis elle va devoir prévoir un buffet donc trouver un traiteur, là non plus ce n'est pas un souci, elle sait à qui elle va demander, voir pour les boissons et pour tout cela faire des choix judicieux qui satisfassent chacun.

Toute cette organisation n'inquiète pas Luce, elle va devoir planifier et procéder avec méthode et rigueur pour ne rien laisser de côté et n'oublier personne, éviter de froisser qui que ce soit des amis et de la famille.

Luce n'a qu'un seul objectif combler son bien Aimé.Ce moment doit être une fête, un moment exceptionnel de douceur et d'amour.Elle veut qu'Aimé garde cet événement en mémoire jusqu'à la fin de ses jours, qu'il le nourrisse en bien-être et en énergie pour grandir sa création, son œuvre.

Cette fête la met en joie d'autant qu'Aimé n'a pas montré son travail depuis plusieurs années, si e n'est en petit comité à son atelier.Mais là, c'est très différent et qui plus est dans cette salle qui pour elle est un cadeau du ciel, une évidence pour une ancienne chapelle....nul ne peut le nier, ou les insensibles, il se dégage de ce lieu une atmosphère de paix, de sérénité et les compositions de son cher et tendre ami ne laissent pas indifférent et ne pourront que se dévoiler davantage dans cet espace...et il est temps qu'Aimé accepte de céder quelques toiles, son atelier déborde...Luce doit le prévenir suffisamment tôt pour qu'il choisisse les toiles à mettre en vente car chaque fois c'est un vrai dilemme, Aimé a toujours eu des difficultés à monnayé ses réalisations.

Est-e en relation avec sa représentations de la valeur monétaire des objets , de sa relation à la monnaie ou de sa difficulté à évaluer son travail


Luce s'est absentée un temps pour prendre soin d'elle. En effet, elle a eu quelques soucis de santé,non pas le COVID (ou la...?), juste des problèmes dentaires de ceux qui vous font souffrir et qui ont créé des dictons tel que «si tu as mal à droite c'est l'amour qui s'en va, si tu as mal à gauche c'est l'amour qui vient». Elle, elle a mal à droite et à gauche, c'est toute la mâchoire qui souffre, alors l'amour là-dedans? Ne serait ce pas plutôt dû au fait que nombreuses sont les situations qui lui font serrer les dents et ces crispations auraient provoquées tout ces dégâts?

Possible, la vie n'est pas toujours faite d'amour et de tendresse et même si nous choisissons en partie notre chemin, des évènements s'invitent sans crier gare et sans que nous en soyons directement ou indirectement les initiateurs, ils semblent arriver de nulle part à priori.

La vie suit les rythmes de l'ombre et de la lumière, des saisons, de la naissance et de la mort, un éternel recommencement et si nos cellules se régénèrent, pour certaines cela prend du temps et parfois il faut pallier à leur carences par des moyens artificiels;le temps peut éroder certaines parties de notre corps alors il faut apprendre à vivre avec ce manque et trouver des subterfuges pour garder l'équilibre.

Préserver cette stabilité est la difficulté de toute notre petite existence!

Pour Luce son ancrage, sa boussole c'est Aimé, c'est aimer....

Trente ans que cela dure entre eux, trente ans qu'elle est sa muse, trente ans qu'il est son amuseur, son fantaisiste, et pas question d'en rester là! Elle mettra tout en œuvre pour que chaque jour soit une fête, une journée de partage, de joie, d'imagination...Et justement, elle n'a plus le temps de se perdre en balivernes, aujourd'hui elle doit se préoccuper de l'organisation de la journée d'anniversaire d'Aimé en faisant abstraction des états d'âme et des questionnements de Monsieur..

Il est temps maintenant de lui annoncer ses intentions et d'obtenir son accord pour le choix du lieu et des tableaux qu'elle souhaite exposer soit construire la présentation à partir du tableau de la balançoire et selon les formats ils vont devoir en sélectionner entre dix et quinze ; elle va se conformer au choix d'Aimé, lui sait harmoniser ses œuvres, il sait leur faire raconter une histoire, il faut dire qu'Aimé est très doué pour les fables...

  • Aimé tu as un peu de temps à me consacrer ?

  • ...silence

  • Aimé chéri ?

Aimé lève les yeux surpris et regarde Luce accotée à la porte de l'atelier

  • Oh toi tu as quelque chose à me demander

  • Oui exact et en plus c'est l'heure du déjeuner donc tu ne perdras pas de temps ,on déjeune et je te dis tout d'accord ?

  • D'accord, je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression de ne pas avoir le choix....Qu'est ce qui peut bien être aussi important et urgent?

  • Et bien rejoins moi et tu sauras

  • Tu me donnes dix minutes?

  • Bien sûr comme je te connais tu as trente minutes chrono

Aimé la regarde avec tendresse, sourit et acquiesce

Comme s'il avait pressenti l'urgence de la situation, quinze minutes plus tard, Aimé était à table prêt à écouter son égérie

  • Voilà Madame je t'écoute

  • Bien....Tu sais que tu vas prendre une année de plus ?

  • Oh inutile de me le rappeler!....C'est assez douloureux

  • Pourquoi douloureux tu gagnes en maturité, gentillesse,....bref tu te bonifies au fil des ans

  • Oui comme le vin! Bon trêve de plaisanterie! Pourquoi évoquer ce passage douloureux?

  • Je souhaite organiser une fête pour ton anniversaire....

  • Ah pourquoi???


  • S'il te plaît laisses moi finir...cette fête sera l'occasion d'une exposition de ton travail; j'ai réservé une salle auprès de la mairie et il me faut ton accord maintenant et que nous choisissions les tableaux à exposer. Je souhaiterais que le tableau de la balançoire soit le point de départ qui ferait le lien entre tous les autres, entre dix et quinze toiles selon les formats choisis . J'inviterai quelques amis pour le dîner et l'expo restera ouverte au public tout le week-end. Qu'en penses-tu?

  • Et bien je vois que tu as déjà tout prévu....

Aimé est un peu abasourdi par la préparation minutieuse de Luce.

  • En résumé tout est déjà organisé

  • J'aurais aimé te faire la surprise mais je ne m'autorise pas à choisir tes créations, j'ai juste pensé à une direction possible.

  • Tu sais que j'ai du mal à montrer mon travail?.....D'un autre côté, mon atelier se remplit et ce pourrait être l'occasion de faire un peu de place, une manière de joindre l'utile à l'agréable....J'avoue que j'étais très loin d'avoir pensé à une telle éventualité!...Décidément tu es toujours là où je ne t'attends pas et je t'en remercie. Viens, approches...

Aimé est ému et prend sa tendre et douce dans ses bras. Luce qui appréhendait sa réaction n'en est que plus agréablement surprise et se dit que finalement elle le connaît bien. Elle peut respirer.

L'émotion passée, ils poursuivent leur repas en discutant et réfléchissant à voix haute de la suite à donner chacun dans son domaine, Luce prévoie les invitations, le buffet, bref la logistique et Aimé prépare la partie artistique, l'articulation des peintures en gardant l'idée première de Luce.

Avant qu'Aimé rejoigne son atelier, Luce lui murmure doucement

  • Je suis tellement heureuse que tu acceptes ce projet !

  • Comment pourrais-je refuser?Tu mets tellement d'amour dans tout ce que tu fais et dans ma vie!

Ces deux là s'aiment vraiment..


Luce a tout préparé, tout prévu sauf…un petit virus qui décide, qui impose à tous, à la planète entière sa loi !

Luce est déçue, dépitée, elle va devoir tout annuler et se contenter d’un repas à six à la maison…

Aimé poursuit son train-train sans se soucier des bouleversements extérieurs. Bien sûr il en entend parler mais cela ne l’affecte pas vraiment. Sa vie se résume à Luce et son atelier ; tant que les deux sont présents tout va bien ! attitude égoïste ? oui peut être…ou c’est juste un moyen de se préserver du monde en folie qu’il refuse de peindre, lui ne veut regarder que le beau, sa muse, la nature ; il refuse définitivement le côté sombre.

Luce vit mal cette période d’isolement social, elle qui a toujours été active à partager, échanger, animer….Atelier poésie fermé, cours yoga en salle annulés, heureusement ils se poursuivent par vidéo mais rien ne vaut la présence du professeur et des participants, qui pour certains sont devenus des amis, les rencontres avec les amies autour d’un thé à la terrasse d’un bar ou chez l’une ou l’autre, ou simplement seule à flâner ici ou là au milieu des autres, assise sur un banc ou à une terrasse à observer l’agitation du quotidien, ou pour patienter le temps de la réparation de sa voiture ou dans l’attente d’un rendez-vous médical ; terminés ces instants de rêverie à observer le monde avec distance et sourire, confisquées ces parenthèses hors du temps !

Certes elle peut s’octroyer des temps de rêverie, d’observation très agréables et resourçant dans son jardin mais c’est loin de l’univers de la rue bouillonnante, loin des réunions passionnées et passionnantes, loin des retrouvailles amicales empreintes de fous rires, de sérieux, de larmes…bref d’émotions multiples, sans contact visuel, sans contact physique.

Le temps de communication se limite à la durée des achats dits « essentiels », masquée, tentant parfois d’accrocher un regard et pour toute conversation étouffée les formules de politesse adressées au personnel des magasins…Quelle tristesse ! tout juste si les clients ne changent pas de rayon de peur de frôler celui qui vient en face comme si nous étions tous des pestiférés en puissance…Luce a beaucoup de mal à accepter cette « mascarade » dite de protection. Quand elle regarde ses congénères ainsi parés, une réflexion nait : durant des mois, voire des années, ils nous ont tenus des discours sur le port du voile suggérant de l’interdire sous prétexte d’une atteinte à l’expression individuelle, à l’intégrité individuelle, et maintenant ils nous obligent à porter ce morceau de tissu-papier masquant notre bouche et notre nez.

Evidemment les deux ne sont pas instaurer pour les mêmes raisons mais Luce s’interroge : les deux ne sont-ils pas une atteinte à l’intégrité physique de la personne ?

Les deux ne sont-ils pas une atteinte à la liberté d’expression ?

L’efficacité de ces dispositions actuelles n’ont pu pour l’heure être vérifiées.

Luce sait que ce questionnement n’est pas celui de la majorité et n’est apprécié que par une minorité mais elle ne peut s’empêcher de s’interroger sur tout ce chambardement et ce va et vient de directives contradictoires ; difficile de partager ses états d’âme avec ses amis les plus proches tant les avis peuvent être opposés et la peur du virus étant si présente et intense pour certains qu’ils préfèrent accepter toutes les contraintes imposées sans sourciller

Luce comprend que la peur puisse amener à se retrancher derrière toute sorte de « bonnes raisons », la maladie est anxiogène oui bien sûr mais la vie n’est faite que de perturbations plus ou moins actives, un peu comme le climat et l’ultime perturbation pour Luce c’est la mort mais ça tout le monde le sait, dès la naissance chacun a compris qu’il y aura un ultime départ

Accepter, accepter les secousses de la vie et ses aléas.

Le problème ce ne sont pas les secousses de la vie mais comment elles sont gérées.

Le côté positif de cette situation c’est apprendre à vivre au présent, l’instant et pour elle c’est certain à garder le cap et préserver ce qu’elle est au fond d’elle, maintenir ses valeurs de partage, d’échange, d’écoute, continuer à s’interroger sur tout avec sa tête mais avant tout avec son cœur.










 

vendredi 23 octobre 2020

Chut...c'est la chute

 



Bovins écornés

Ovins équeutés

Humains masqués


Chuuut......

C'est la chute


Bibliothèque fermées

Concerts annulés

Culture limitée


Chuuut

C'est la chute


École chambardée

Instruction dérégulée

Éducation privatisée


Chuuut

C'est la chute


Tout anéantir

Pour mieux repartir

Ou se départir?


Chuuut

C'est la chute

mardi 13 août 2019

l'errance de Camille

Résumé :
De l'errance à la vacance, c'est le chemin choisi (ou pas) par Camille avant d'entamer une reconstruction jusque-là improbable.
Des rencontres inattendues l'accompagnent de près ou de loin, dans ce parcours initiatique où rien n'est défini.
Camille navigue entre l'ici et l'ailleurs au milieu de nulle part...
Fuir, subir... choisir son demain...
Thème : Roman psychologique
Nombre de pages : 90
Format : Roman (134x204)
ISBN livre papier : 9782414288441
ISBN livre téléchargement : 9782414288458
Date de publication : 26/10/2018

 https://www.edilivre.com/media/books/9782414288441.jpg

lundi 25 février 2019

dimanche 9 décembre 2018

Musique

La musique est histoire
Fleurit la poésie
Dans toute idéologie
Et par effet miroir
Grandir
Au delà de tous les désirs

lundi 11 juin 2018

juste...

Je suis allée de ce pas
Pas question de ralentir
Cadencé le pas
Juste pour réfléchir

dimanche 25 mars 2018

Chemines


À peine les premiers pas posés
Tu envisages de traverser
Ta vie tout juste commencée

Quel est donc cet espoir pressant
Apparu dès ton premier an
Sans saisir l'unité du temps ?

Pris par le mouvement ambiant
Tu cours derrière l'évident
Qui n'est pour l'heure qu'un faux fuyant

Agir encore et toujours
Sera le refrain de tes jours
Oubliant l'odeur de l'amour
Celui qui honore les fleurs
Leurs délicates et folles couleurs
Leur balancement à tout heure

Frôlées par le vent chahuteur
Elles envoûtent les visiteurs
Et repoussent les détracteurs

Fines silhouettes flexibles
Aux frémissements tangibles
Leurs douces voix miscibles
Sont offertes aux initiés
Et pour le cœur des éveillés
Cette élégance ouatée

Ici les arbres pavoisent
Tandis que tu paies l'ardoise
De tes frasques grivoises

Balayés par le vent frileux
Il ne restera plus un gueux
Pour découvrir les chemins creux

Je marche et je me réjouis
De ce parcours encore fleuri
Qui m'accompagne aujourd'hui.