Une Ombre l’a accompagnée et
l’accompagne depuis sa naissance et même avant.
Elle a appris son existence en sixième
et comme elle était dans une période de mal être elle a pensé un moment
aller la rejoindre, elle a même essayé mais sans grande conviction, elle est
toujours là et très heureuse de l’être.
Enfant, elle sentait déjà sa
présence et aimait parcourir la campagne à ses côtés.
Elle ne savait pas qui elle
était, pourquoi elle avait besoin d’elle, pourquoi quoiqu’elle fasse, elle
faisait parti de sa vie.
Elle aimait se retrouver au bord
de la rivière, marcher dans l’eau claire et sentir les cailloux sous ses pieds,
glisser sur les herbes qui tapissent le fond du cours d’eau et goûter à leur
douceur moelleuse pareil à un tapis de laine, savourer ce contraste agréablement douloureux entre la pierre et la
caresse des algues, être surprise par le frôlement des petits poissons ou des
têtards sur ses chevilles.
Souvent elle s’asseyait dans
l’herbe, elle écoutait le clapotis de l’eau et elle contemplait la nature; elle
éprouvait une paix intérieure qu’elle ne comprenait pas et, sa mère par ses
« c’est une vraie sauvage, elle est toujours partie… » la
culpabilisait de ce bien-être et lui faisait penser qu’elle n’était pas comme les
autres. Heureusement pour elle et son avenir, son père veillait sur elle.
Ce qu’elle ne savait pas c’est
que cette ombre était toujours là, entre ses parents, entre ses parents et
elle, entre ses parents et les différents membres de la fratrie, entre ses
parents et ses grand parents… c’est comme si elle se démultipliait pour être
auprès de chaque membre de la famille.
Lorsqu’elle était seule avec elle,
elle l’apaisait, elle pouvait lui parler, lui confier ses malheurs, ses
bonheurs, ses secrets et elle a passé toute sa petite enfance à ses côtés sans
savoir, sans comprendre. Avec le recul elle sait qu’elle l’a protégée, qu’elle
lui a apportée le soutien que sa mère ne pouvait lui donner, elle était sa
force, sa soupape.
Même en sachant qui elle était,
elle a continué de l’escorter dans les méandres de son quotidien et
principalement pendant son adolescence. Toujours en révolte contre le système scolaire, contre ses parents
avec lesquels elle ne partageait que très rarement ses préoccupations sauf en
cas de nécessité absolue, elle lui
confiait ses colères, ses indignations, ses frustrations, souvent à travers son
journal intime.
Lorsqu’elle a écouté la chanson
de Maxime Le Forestier « mon frère », ce fut une véritable révélation
et cet air a été sa musique intérieure pendant des années. A l’écoute de ce
refrain, elle sentait l’émotion la gagner ; l’ennui c’est que cet émoi
était toujours empreint de tristesse, de chagrin, de déception, voir de déprime
et d’idées noires. Pourquoi ? Elle était encore loin de pouvoir faire le
lien entre tout ces ressentis.
L’Ombre s’est estompée, sans
disparaître complètement.
La vie s’est poursuivie avec son
lot de chagrins en tout genre et ses situations toujours périlleuses jusqu’au jour
où un enfant a contrebalancé cet état de fait.
Ce révélateur un petit garçon,
lui a permis de reprendre sa vie en main et de remonter jusqu’à l’origine de ce
revenant.
Jour après jour une prise de
conscience s’est mise en place et un travail de recherche, d’analyse, avec des
périodes de retour en arrière pour mieux rebondir lui a permis d’identifier cet Ombre et de se
reconstruire.
Ce circuit encombré de non dits,
de deuils inachevés, de mal d’amour, de manque d’amour, d’affection blessée,
débouche enfin sur un nom, une date de naissance, une date de décès et va
pouvoir s’achever définitivement au cimetière familial.
Avec un grand soulagement, une
délivrance l’Ombre va rejoindre le néant.
Et si elle devait remontrer
Le bout de son nez,
Elle sait que ce sera pour lui
faire un pied de nez
En toute amitié
Sans oublier,
Que la moitié de sa vie elle l’a
empoisonnée,
Sans oublier
Que la moitié de sa vie elle l’a
aidée à façonner
Ce qui fait qu’elle est ELLE
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